Le projet de loi approuvé en février dernier est une nouvelle victoire en matière de droits de la femme en Afrique subsaharienne. Le président Peter Mutharika, récemment élu en 2014, disposait ainsi de trois semaines pour signer le projet de loi avant qu’il ne puisse être mis en place.
Le Malawi est un des pays qui connaît le taux de mariages infantiles le plus important au monde avec plus de 50% des petites filles mariées de force, et plus d’un huitième qui sont déjà mariées à l’âge de quinze ans. Le Malawi a également un des taux les plus élevés de mortalité maternelle au monde et 10% de la population est séropositive.
Ces mariages forcés entraînent des grossesses précoces. Elles sont un grand danger pour les petites filles et les jeunes adolescentes dont les corps sont trop jeunes pour enfanter, entraînant un taux de mortalité maternelle également très élevé : plus d’une femme sur 36 meurt des conséquences d’un accouchement, ainsi qu’un quart des enfants. L’espérance de vie moyenne de la population malawite est de 54 ans.
Des pratiques aux relents de crime contre l’humanité
Ces pratiques traditionnelles impliquent d’ailleurs une violation délibérée des droits fondamentaux des enfants et sont étroitement liées au niveau de vie. Les familles, souvent nombreuses, marient leurs filles, parfois tout juste âgées de 8 ou 9 ans, dont elles ne peuvent pas assumer les besoins et l'éducation. C’est donc leur mari qui prendra le relais et entretiendra sa femme, puis leurs enfants.
Avant le mariage, il est coutume d’envoyer les filles dans des «camps d’initiation sexuelle » afin de les préparer à la vie conjugale, à satisfaire leur mari. Dans d’autres cas, les parents ont recours à une «hyène », un homme qui passe de village en village, payé pour avoir des rapports avec ces futures épouses et les « préparer à la vie adulte ». Cette pratique appelée le kusasa fumbi n’est pas sans conséquences. Il expose les petites filles à des grossesses et à des maladies non désirées, sans mentionner de grands traumatismes pour ces enfants qui deviennent mamans beaucoup trop tôt.
Les filles sont alors mariées à des hommes bien plus âgés. Les abus sexuels, le travail domestique forcé ainsi qu'une vie de misère sont les seules perspectives que ces petites filles peuvent percevoir.
Mobilisation internationale pour les droits de la femme et de l’enfant
Les associations internationales comme Human Rights Watch ou Let the Girls Lead tiraient déjà la sonnette d’alarme, il y a presque une dizaine d'années. C’est une pression constante et un travail conjoint entre ces associations qui a finalement fait aboutir la question sur un projet de loi. « Le Malawi a besoin d’établir un âge minimum légal de mariage pour protéger les petites filles des abus, de l’exploitation et de la violence qui résulte des mariages infantiles » déclarait un représentant de Human Rights Watch l’année dernière.
L’association Girls Empowerment Network (GENET) a un poids significatif sur l’application d’une action à l’échelle locale pour une défense des droits des petites filles au Malawi. Un reportage de Human Rights Watch avant le vote de la loi témoigne du calvaire qu'elles affrontent au quotidien.
Leurs campagnes et celles du réseau d’associations Girls Not Brides ont permis la mise en place de programmes de sensibilisation des parents et de leurs petites filles au sein des écoles, sur les dangers du mariage forcé et précoce.
Leurs campagnes et celles du réseau d’associations Girls Not Brides ont permis la mise en place de programmes de sensibilisation des parents et de leurs petites filles au sein des écoles, sur les dangers du mariage forcé et précoce.
Un défi légal majeur pour le Malawi
La nouvelle loi permettra ainsi d’interdire toute tentative d’union forcée en deçà de 18 ans. Tout homme de plus de 21 ans qui violera la loi sera forcé à abandonner ses terres ainsi qu'une partie de son bétail. Une peine très lourde dans certaines régions du Malawi. Les familles, elles, pourront faire l’objet d’heures de travaux forcés pour avoir tenté de marier leurs petites filles.
La loi déclare les adolescentes de 16 ans désirant se marier légalement aptes à le faire, avec le consentement de leurs parents. Cet article de la loi est évidemment délicat au vu de la facilité de forcer ou de feinter un « consentement » des petites filles.
De manière générale, le processus d’application de la loi sera long et laborieux. Il constitue un défi majeur dû aux régions rurales et éloignées du pouvoir central, et au manque d’uniformité à l’échelle nationale d’un système légal. Une réelle application de la loi demandera un effort intense de la part des autorités malawites, et de la coopération des chefs locaux.